Bulletin de paie : la complexification

Interview de Jérôme LHERMINE, Consultant/formateur paye Herakles International – Représentant partenaire IPS pour BM FAMILY OFFICE.

Le gouvernement nous annonce la simplification du bulletin de paye. Enfin une ancienne nouveauté !

Tout a débuté en 2005. Le gouvernement propose de simplifier le bulletin de paye. Le décret n° 2005-239 du 14 mars 2005, en application de l’article 10 de l’ordonnance n° 2004-602 du 24 juin 2004 relatif à la simplification du droit dans les domaines du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, propose alors une nouvelle présentation du bulletin de paye. Le concept est simple. Par organismes collecteurs (URSSAF, ASSEDIC, Caisses de retraites complémentaires), il est possible de fusionner plusieurs lignes dont la base de calcul est la même. Exemple : fusion entre la cotisation maladie et la cotisation vieillesse. Il est même possible de ne plus afficher les cotisations patronales. Cependant, depuis une loi, datée du 2 juillet 1998, l’employeur doit, une fois par an, présenter au salarié le détail de toutes les cotisations sociales. Ce qui revient donc à refaire un bulletin de paye annuel avec les bases, taux et montant par cotisations sociales.

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000604169&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id

2012, nouveau gouvernement, nouvelle simplification. La loi de simplification du droit n° 2012-387 du 22 mars 2012, dite loi « Warsmann » propose à son tour un nouveau modèle de bulletin de paye. Le concept est encore plus avancé. Il n’y a plus qu’une ligne regroupant toutes les cotisations sociales. Le bulletin est donc composé de trois lignes : brut – total cotisations = net à payer. Cependant, la loi de 1998 n’a pas été abrogée et l’employeur doit, une fois par an récapituler toutes les cotisations au salarié. Un modèle a été proposé par le gouvernement le 19 mars 2012 dont voici un extrait.

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https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025553296&dateTexte=20120323

2014, changement de gouvernement, reprise d’une idée ancienne. La simplification revient à l’ordre du jour. Un arrêté du 25 février 2016 et un Décret n° 2016-190 du 25 février 2016 nous précisent les nouvelles modalités de présentation du bulletin. Cette fois ci, les rubriques sont regroupées par thèmes : Santé, Accident, retraite… Deux changements notoires : l’employeur aura l’obligation de présenter le bulletin selon ces textes et surtout suppression de la loi du 2 juillet 1998.

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https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2016/2/25/FCPS1604433A/jo/texte

Les vrais spécialistes de la paye ne sont pas dupes. On ne parle pas de simplification du calcul des bulletins de paye mais tout simplement de la présentation de bulletin de paye. Le fond restera toujours le même : compliqué. Commençons déjà par le calcul des bases des cotisations: il peut y avoir au moins 10 assiettes différentes sur un bulletin : salaire en totalité, tranche A, Tranche B, Tranche C, Tranche 2, G.M.P. CSG/CRDS, Forfait social à 8 %, forfait social à 20 %, forfait social à 16 %. Certaines cotisations ont des bases spécifiques (bases forfaitaires, base du stagiaire, etc). Alors, avant de parler modification visuelle du bulletin, parlons simplification du calcul des bases de cotisation.

Si l’on veut vraiment simplifier un bulletin de paye, la seule solution est de cotiser, pour tous les organismes et quelques soit le type de bulletin, sur le salaire brut. Prenons un exemple très simple : La base CSG/CRDS se calcule selon la formule suivante : (salaire brut X 98,25 %) + cotisations patronales, de la mutuelle, prévoyance et retraite supplémentaire article 83. Le taux de 8 % est applicable sur cette base. S’il y avait une vraie volonté de simplification, pourquoi ne pas changer le formule par la suivante : salaire brut  X  10 % (taux à déterminer). De plus, il y a toujours les « exceptions ». S’il y a une réintégration dans le salaire brut d’une indemnité de départ, le montant ne rentre pas dans l’abattement de 98,25 %. Il en est de même pour un avantage en espèce sur une cotisation patronale d’une mutuelle facultative.

Prenons aussi l’exemple des tranches. La vieillesse est assise sur la tranche A. La cotisation chômage est calculée à partir de la tranche A + la tranche B. Pour les caisses de retraite, si le statut du salarié est non cadre, il cotisera sur la tranche 1 et tranche 2. Si son statut est cadre, alors il cotisera sur la tranche A, B et C. Simple non ? Parfois certains organismes inventent des tranches (tranche D). C’est le cas pour la prévoyance. Et pour rendre encore plus « simple », les taux sont différents selon les tranches.

Simplifier est donc un objectif. Cela doit passer par de vraies réformes de fond. Reprenons le cas du chômage dont la cotisation est calculée à partir de la TA et TB. L’allocation chômage est déterminée en fonction de cette base. Si demain, pour simplifier, il est décidé d’appliquer les taux de cotisation sur le brut, il faudra alors revoir le système de calcul des allocations chômages.

Prenons aussi le cas de l’assurance vieillesse. L’allocation est calculée à partir des salaires des  25 meilleurs années mais plafonnées. Donc la cotisation permettant le financement de celle-ci est plafonnée (tranche A). Mais la dette de la branche étant de plusieurs milliards, il existe une deuxième cotisation vieillesse non plafonnée sur les bulletins. Fusionnons les deux et changeons le calcul de l’allocation.

Prenons l’exemple de notre voisin, la Belgique : 4 lignes : le salaire brut, retenue ONSS, soit la sécurité sociale Belge, retenue à la source pour les Impôts (bientôt en vigueur en France) et enfin le net à payer. La retenue ONSS est calculée sur le brut.

Aujourd’hui, nous sommes très loin d’une vraie simplification. Cela demande de grands changements de fond qui doivent être acceptés par beaucoup d’acteurs. Il faudrait une véritable équipe d’experts dans ce domaine pour pouvoir mener à bien ce projet de simplification. Mais  y a-t-il une vraie volonté de simplifier ?

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