Contrats santé responsables : Il faut donner aux entreprises le temps de s’adapter

Paris, le 25 novembre 2014. Le 19 novembre, le décret sur les contrats responsables est enfin paru. Cependant, loin de simplifier la situation, ce nouveau texte pose de nouvelles contraintes aux entreprises et aux salariés, dans un contexte pourtant déjà complexePour limiter les difficultés, l’Institut de la Protection Sociale (IPS) demande que la période du 9 août 2014 au 31 mars 2015 soit neutralisée par l’Administration pour permettre à une entreprise ayant aménagé son régime santé dans cette période, de bénéficier sans difficulté de la période transitoire. Ce temps est en effet essentiel pour permettre de mener dans l’apaisement ce chantier de fond, qui souvent nécessitera de réelles modifications des niveaux de garanties jusque-là accordées aux salariés.

1 – Un texte attendu de longue date…

Voilà déjà un an que le chantier relatif aux contrats responsables est en cours puisque c’est la loi de financement de la sécurité sociale 2014 qui a prévu des modifications substantielles du cahier des charges à respecter pour qu’un contrat soit qualifié de « responsable ». Les enjeux de l’obtention du fameux label sont triples :

  • bénéficier d’un taux réduit de TSCA (7% au lieu de 14 % pour les contrats non responsables) ;
  • pour les contrats collectifs d’entreprise, l’application du régime social de faveur pour le financement patronal de la couverture santé ;
  • pour les salariés bénéficier de la déductibilité fiscale de la part salariale au régime obligatoire de son entreprise.

La loi prévoyait une entrée en vigueur initialement prévue pour le 1er janvier 2015, mais compte tenu de l’émoi soulevé par les premiers projets de décrets, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale,

votée en août dernier, a reporté cette date au 1er avril 2015, avec une période transitoire plus longue pour les contrats collectifs d’entreprises. Presque quatre mois se sont encore écoulés pour que le décret arrêtant le cahier des charges soit finalement publié au JO du 19 novembre.

  • 2 – … mais qui pose de nombreux problèmes

Sur le fond, les nouvelles exigences posées appellent certaines remarques que nous avions déjà formulées en juin dernier. Mais surtout, des questions se posent sur la période transitoire qui a été instituée, complexifiant encore les réflexions et les marges de manœuvres dans les entreprises.

2.1 Sur le contenu du nouveau cahier des charges des contrats responsables

Quatre grands postes de remboursements sont prévus :

  • Obligation de rembourser le forfait journalier hospitalier sans limitation de durée. Certains s’inquiètent de l’effet inflationniste sur le montant de la cotisation. Le nouvel article D.911-1 c. séc. soc issu du décret du 8 septembre 2014 (panier de soin minimum de l’ANI) prévoit cette obligation à l’identique.
  • Prise en charge obligatoire du ticket modérateur des dépenses de santé à l’exception de certaines : cures thermales, médicaments dont le service médical rendu est modéré ou faible et l’homéopathie. Le panier de soin ANI prévoit des dispositions
  • Si le contrat couvre le remboursement de dépassement d’honoraires des consultations médicales, il doit être doublement limité lorsque les soins sont délivrés par un médecin n’ayant pas adhéré au contrat d’accès aux soins (CAS) prévu par la convention nationale :
    • 100% du tarif de responsabilité (125% en 2015 et 2016),
    • montant pris en charge pour les dépassements des médecins adhérents au CAS minoré de 20% du tarif de responsabilité.

Le contrat devra donc prévoir des niveaux de remboursement différents selon que le médecin adhère ou non au CAS, avec un écart minimum correspondant à 20% du tarif de responsabilité. Rien sur ce point dans le panier de soin minimal de l’ANI.

Les organismes complémentaires ne disposent pas de cette information à ce jour. Les flux de télétransmission devront être adaptés très rapidement. Cette information est aussi porteuse d’enjeu pour le patient qui sera remboursé différemment en fonction de l’adhésion ou non de son médecin au contrat d’accès aux soins. Comment aura-t-il cette information ?

  • Remboursement des frais d’optique : si le contrat prévoit un remboursement supérieur au ticket modérateur, le décret prévoit 6 combinaisons de planchers et de plafonds de remboursement en fonction de la correction (minimum 50 € et maximum 850 € par équipement). Notons que le panier de soin ANI prévoit aussi plusieurs combinaisons de remboursement optique différentes de celles prévues dans le décret du 18 novembre….

L’optique ayant été au cœur des débats ces derniers mois, le décret prévoit la création d’un observatoire des prix et de la prise en charge en optique médicale.

On ne peut s’empêcher de constater que la tendance actuelle est à la mise sous surveillance renforcée de beaucoup de secteur de l’économie avec la multiplication des régulations des tarifs en tunnel…. (l’optique, les tarifs de notaires…).

Notons que rien n’est prévu pour le remboursement des soins dentaires, souvent coûteux, et pouvant entrainer des conséquences importantes s’ils ne sont pas réalisés. Le panier de soins ANI comporte quant à lui, un remboursement de ces soins au-delà du ticket modérateur.

2.2 Une certaine insécurité juridique autour de ce décret

L’ensemble de cette nouvelle réglementation sur les contrats responsables soulève des questions d’application pratiques, qui une nouvelle fois paralysent l’action efficace des entreprises et nuisent au bon développement de la protection sociale.

En premier lieu, se pose la question de l’appréciation du caractère responsable des couvertures lorsque les régimes offrent des options facultatives aux salariés. Le caractère responsable s’apprécie-t-il uniquement en tenant compte du régime à adhésion obligatoire ou de l’ensemble des éventuelles options facultatives pour les salariés ?

Au final, le risque est réel que les garanties dont bénéficiaient les salariés baissent sans réel impact sur les tarifs des praticiens. Se soigner coûtera donc plus cher aux ménages.

Ensuite, la rédaction des dispositions relatives à la période transitoire soulèvent des questions d’interprétation particulièrement problématiques à gérer pour les entreprises en cette période d’éventuelle renégociation ou aménagements de leurs couvertures santé.

En effet, l’article 14 de la LFRSS du 8 août 2014 prévoit une entrée en vigueur des nouvelles obligations pour les contrats conclus, souscrits ou renouvelés à compter du 1er avril 2015.

Par dérogation, pour les contrats collectifs souscrits en application d’un acte de droit du travail prévu par l’article L. 911-1, conclu avant la 9 août 2014, les anciennes dispositions continuent de s’appliquer jusqu’à l’entrée en vigueur de la prochaine modification de cet acte de droit du travail, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2017.

Qu’entend-on exactement par modification ? Suffit-il de ne pas toucher habilement l’acte de droit du travail même si le contrat d’assurance est un peu aménagé ?

Quid d’une modification de l’acte de droit du travail depuis le 9 août 2014 ? Le texte peut laisser penser que les nouvelles règles s’appliquent immédiatement, avant même le 1er avril 2015 !

La Direction de la Sécurité Sociale annonce une circulaire pour répondre à toutes ces questions. Mais une nouvelle fois les entreprises sont prises en étaux, dans l’incapacité de prendre des décisions apaisées compte tenu d’une insécurité juridique croissante.

CONCLUSION :

L’Institut de la Protection Sociale souhaite donc attirer l’attention sur les difficultés d’application que ce nouveau texte pose pour les entreprises dans un contexte déjà complexe (généralisation de la

complémentaire santé, conformité au décret du 9 janvier 2012 modifié par celui du 8 juillet 2014….).

La période du 9 août 2014 au 31 mars 2015 doit être sanctuarisée (neutralisée) par l’Administration pour permettre à une entreprise ayant aménagé son régime santé dans cette période, de bénéficier sans difficulté de la période transitoire lui permettant de mener dans l’apaisement ce chantier de fond, qui souvent nécessitera de réelles modifications des niveaux de garanties jusque-là accordées aux salariés.

Enfin, il est souhaitable que le Gouvernement revienne sur la fiscalisation de la part patronale du financement de la complémentaire santé introduite depuis le 1er janvier 2013.

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