Femmes, parents, cadres supérieurs, grand-père : le futur système des retraites sera-t-il réellement plus juste et plus simple pour tous ?

CP novembre 2019 – Contribution de l’IPS réforme des retraites
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Paris, le 26 novembre 2019 – Dans le cadre de la seconde phase de concertation, le Haut-Commissaire à la Réforme des Retraites a précisé un certain nombre de points techniques. Ces éclaircissements ont conduit l’Institut de la Protection Sociale à poursuivre son travail d’investigation en chiffrant certaines de ses conséquences sur la situation des Français.

L’IPS a choisi d’apporter son éclairage sur l’impact des changements apportés à quatre situations :

• Les parents ayant un ou plusieurs enfants ;

• Les cadres dont les salaires annuels sont compris entre 121 572 € et 324 192 € (soit 3 et 8 fois le plafond annuel de sécurité sociale) ;

• Les bénéficiaires de la pension de réversion ;

• L’entrée dans le dispositif avec la clause dite du grand-père.

1 – Les nouveaux droits familiaux : les parents seront ils gagnants ou perdants ?

Le Rapport Delevoye laisse à penser que, dans la plupart des situations, le dispositif serait plus favorable aux familles par rapport à la situation actuelle.

Les simulations de l’IPS, basées sur les dernières publications du HCRR, apportent la preuve qu’il n’en est rien. Les préjudices que subiront les parents s’opéreront en deux temps :

En vitesse de croisière, le nouveau dispositif s’avère être, dans la plupart des situations, défavorable aux mères de 1 et 2 enfants. Les familles de 3 enfants, quant à elle, subissent une « double peine » en cumulant la perte de la majoration de durée d’assurance avec celle de la majoration pour 3 enfants qui disparait également.

En phase de transition, le refus du HCRR de considérer les majorations de durée d’assurances comme des droits acquis aura des conséquences considérables lors du transfert dans le nouveau système des pensions des mères de familles proches du départ en retraite en 2025. La réforme Delevoye pénalisera ainsi les femmes au moment même où le système leur devenait plus favorable.

2 – Les nouvelles règles de réversion : les femmes seront-elles gagnantes ou perdantes ?

Les nouvelles règles envisagées apporteront certes une réelle simplification et une logique contributive au dispositif de la réversion mais ne seront pas sans conséquences pour les femmes (qui sont 89 % des bénéficiaires de la réversion).
Ainsi, la réforme envisagée entraîne un déficit de couverture pendant de nombreuses années avec un âge d’ouverture des droits plus tardif qu’il n’y parait. Pour l’IPS, si aucune compensation n’est instaurée, ce changement constituerait une perte de droits très grave pour des personnes déjà fragilisées.

3 – La clause du grand-père est-elle une solution techniquement viable ?

Avec pour objectif d’instaurer une réforme des retraites sans en faire porter le poids sur les actuels cotisants, la clause des droits acquis génèrera sans aucun doute des difficultés pour les entreprises et rendra beaucoup plus complexe les réformes financières ultérieures en maintenant deux types de cas à prendre en compte. Cette solution posant de sérieuses difficultés aurait tout intérêt à être abandonnée.

4 – Les cadres gagnant plus de 10 000 € par mois : seront-ils gagnants ou perdants ?

Dans son évaluation du rapport Delevoye publiée en septembre 2019, l’IPS alertait sur le fait que sortir les rémunérations les plus élevées (plus de 120 000 euros bruts annuels) du champ des régimes obligatoires pouvait se révéler profondément délétère. Pour étayer ses propos, l’IPS a calculé les conséquences d’un remplacement des droits perdus par un salarié cadre décidant de souscrire un PER Individuel. Le constat est sans appel, le surcoût que représente la souscription à titre individuel d’un complément de retraite et les limites de la souscription d’un PER-O pouvant s’adapter à cette catégorie spécifique de cadres sera coûteuse pour les salariés concernés. On assistera alors à des montages patrimoniaux, sociaux et fiscaux complexes destinés à compenser la perte de droits.

Comme le précise Bruno Chrétien, président de l’Institut de la Protection Sociale (IPS) : « En faisant le choix d’un régime universel uniforme calculé sur la base de 3 plafonds annuels de la sécurité sociale, le projet Delevoye commet une erreur majeure de conception dont découle tout le reste. »

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