Malgré le 100% santé, l’accès aux soins continue de se dégrader en France

CP – Contrats responsables santé 06.11.2018
521.26 KB

Paris, le 6 novembre 2018 – Conformément à l’engagement de campagne du Président de la République, la Loi de Financement de la Sécurité Sociale va instaurer la suppression du reste à charge (mesure appelée le RAC 0 ou 100% santé) pour un certain nombre de prestations dentaires, d’équipements optiques et d’audioprothèses. Présentée comme une avancée décisive pour garantir un meilleur remboursement des soins, ce dispositif ne corrige qu’à la marge les restes à charge pour les Français. En outre, cette réforme entrainera une standardisation plus importante encore des couvertures complémentaires santé.

Le véritable problème est que ces dernières années l’Etat a fait exploser les restes à charge pour les consultations hospitalières et médicales en instaurant des règles ineptes pour les contrats santé dits « responsables ».

Si l’Etat veut améliorer sérieusement les remboursements des contrats santé, une révision en profondeur des règles applicables à ces contrats s’impose.

1 – Les Français n’arrivent plus à trouver des médecins dans de bonnes conditions

Une étude récente de la DREES confirme la longueur des délais d’attente pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste :

• Jusqu’à 189 jours pour avoir un Rdv chez un ophtalmologue (80 jours en moyenne)

• 126 jours chez un dermatologue (61 jours en moyenne)

• 104 jours chez un cardiologue (50 jours en moyenne)

Alors que le Gouvernement centre son action sur le dentaire, les lunettes et l’audioprothèse, la situation se dégrade inexorablement depuis quelques années pour les cas les plus graves et les plus coûteux. A la difficulté d’obtenir un rendez-vous avec un spécialiste, s’ajoute en effet un reste à charge important sur les dépassements d’honoraires. La raison en est l’application des règles liées aux contrats dits « responsables » pénalisant les patients consultant des spécialistes n’ayant pas adhéré aux dispositifs d’Options pratiques tarifaires maîtrisés (« Optam » et « Optam-co »). Rappelons que ces contrats responsables permettent de bénéficier de régimes sociaux et fiscaux de faveur dans le cadre des contrats collectifs pour les salariés ou contrats Madelin pour les indépendants et d’une moindre taxation des garanties santé.

2 – Le plafonnement des remboursements des complémentaires santé est inefficace à maitriser les tarifs des professionnels de santé

Avec l’actuelle réforme du Zéro reste à charge, le Ministère a fait en sorte que les patients aient une solution en :

• Négociant préalablement les conditions tarifaires avec les professionnels de santé en optique, dentaire et audioprothèse.

• Rehaussant également les remboursements du régime maladie de base sur certains postes.

• Déterminant les remboursements des complémentaires santé dans le cadre de nouveaux critères responsables.

Pour les dépassements d’honoraires, le Gouvernement précédent avait tenté un bras de fer avec les spécialistes non Optam et fait retomber les sanctions sur les patients, empêchant les complémentaires santé de leur venir en aide à cause d’un mécanisme complexe de double plafonnement des remboursements.

Le résultat est que :

• Les assurés ne comprennent pas ce plafonnement Optam (cette réforme étant concomitante à la généralisation de la complémentaire santé en entreprise, beaucoup pensent que leur employeur a souscrit des garanties au rabais, d’où le développement complexe et coûteux de surcomplémentaires hors cadre responsable).

• Le patient ne choisit pas le spécialiste mais est en général orienté par son médecin traitant.

• La pénurie de spécialistes et le refus de nombre d’entre eux de prendre de nouveaux patients font que ces derniers n’ont aucun choix. Finalement la définition des contrats responsable encourage au renoncement aux soins pour les soins les plus coûteux.

3 – Le PLFSS 2019 modifie – dans le mauvais sens – les contrats responsables

L’article 33 du PLFSS 2019 relance la modification des critères responsables dans le cadre de la réforme du 100 % santé en optique, audiologie et dentaire. Mais force est de constater l’incohérence de rembourser l’intégralité des équipements quand dans le même temps, les Pouvoirs Publics provoquent du “Reste à charge” pour des opérations ou consultations de spécialistes. Tout cela sans parler de l’impact en termes de travail administratif car la réforme du 100 % santé va entraîner, une fois encore, la modification des critères responsables et l’adaptation de tous les contrats complémentaires santé ainsi que des accords de branche en santé.

Si la logique poursuivie par le Gouvernement est bien la diminution du reste à charge des assurés pour éviter le renoncement aux soins, il devrait profiter de cette refonte pour corriger un critère qui pénalise les assurés : le plafonnement des remboursements des dépassements d’honoraires des spécialistes “non Optam”.

A tout le moins, l’équité imposerait de suspendre ce plafonnement, tant que le Gouvernement ne peut confirmer que tous les assurés ont la réelle possibilité de choisir un spécialiste ayant adhéré aux dispositifs d’Options pratiques tarifaires maîtrisées. La suspension de cette interdiction de rembourser les dépassements d’honoraires n’entraînerait d’ailleurs pas de surcoûts pour l’Assurance maladie, qui ne prend pas du tout en charge ces dépassements. Au contraire, elle permettrait une réelle diminution du reste à charge pour les patients disposant d’une complémentaire santé lors de problèmes médicaux importants nécessitant la consultation de spécialistes ou une opération.

A défaut, la souscription d’une surcomplémentaire santé à titre individuel ou via un contrat collectif que pourrait proposer l’employeur va devenir quasi incontournable pour garantir un meilleur remboursement des soins de santé les plus onéreux.

CONCLUSION :

A la lumière de ces indications, l’Institut de la Protection Sociale demande au Gouvernement de suspendre le plafonnement du remboursement des dépassements d’honoraires des spécialistes non Optam jusqu’à la publication de statistiques démontrant que tous les assurés peuvent trouver un médecin Optam de proximité et avoir un rendez-vous dans un délai raisonnable, quelle que soit la spécialité.

Partager l'article