Projets de décret Santé : Un nouveau choc de complexité en perspective

Paris, le 2 juin 2014. Les décrets sur le panier de soins ANI et le cahier des charges définissant les contrats responsables sont attendus depuis plusieurs mois. Cette situation paralyse le marché de la complémentaire santé collective et les négociations de branche qui auraient dû s’achever avant le 1er juillet 2014.

De nouvelles versions des projets ont été rendues publiques. Une nouvelle fois, ces textes ne vont pas dans le sens de la simplification et engendrent des obligations supplémentaires pour les entreprises.

Pour cette raison, l’Institut de la Protection Sociale (IPS) demande une rédaction mieux aboutie et le report de la date d’entrée en vigueur des décrets.

1 – Regrouper les obligations entre l’ANI et les contrats responsables

Est-il indispensable de superposer deux textes dont les objets sont quasi identiques ?

  • le panier de soins minimum qui doit être généralisé dans toutes les entreprises d’ici le 1er janvier 2016,
  • et le nouveau cahier des charges du contrat responsable que les contrats collectifs d’entreprises devront respecter pour prétendre aux exonérations sociales et fiscales, d’ici le 1er janvier 2015.

Les exigences posées sont tellement proches qu’elles pourraient être fusionnées pour ne faire qu’un texte. Nous gagnerions en lisibilité et en simplicité pour les entreprises et les opérateurs du marché de la santé.

Ainsi, le panier de soins ANI pourrait tout simplement être traité avec le contrat responsable.

2 – Le nouveau cahier des charges des contrats responsables doit être amélioré

Plusieurs remarques à ce stade :

  • Les contrats santé devront prendre en charge les dépassement tarifaires des médecins dans la limite de 100% du tarif opposable pour les soins délivrés par les médecins n’ayant pas adhéré au contrat d’accès aux soins prévu par la convention nationale. Or à ce jour, les organismes complémentaires ne disposent pas de cette information. Les flux de télétransmission devront être adaptés d’ici au 1er janvier 2015. Ce délai ne parait pas réaliste. Cette information est aussi porteuse d’enjeu pour le patient qui sera remboursé différemment en fonction de l’adhésion ou non de son médecin au contrat d’accès aux soins. Comment aura-t-il cette information ?
  • Une large part du cahier des charges est consacrée aux planchers et plafonds de remboursement pour les dispositifs d’optique. Alors que certains ont vivement critiqué les faibles plafonds initialement présentés, d’autres voix s’élèvent contre les plafonds trop hauts du dernier projet diffusé. Il est à déplorer qu’aucune véritable étude d’impact n’ait été menée afin que les arbitrages soient rendus en toute connaissance de cause.
  • Rien n’est prévu pour la prise en charge des prothèses dentaires, souvent coûteuses, et pouvant entrainer des conséquences importantes si elles ne sont pas réalisées. Quelle est la cohérence de ce choix par rapport à l’optique ?
  • Par ailleurs, une clarification doit être apportée sur la question du traitement fiscal et social en cas de souscription d’un contrat santé sur-complémentaire qui n’est pas responsable. Dans cette situation, cela viendrait-il disqualifier le contrat de base, qui examiné seul est responsable ? L’ensemble contractuel serait alors qualifié de non responsable avec les conséquences qui y sont attachées en termes de prélèvements ?

3 – Ces nouvelles obligations imposent des délais qui ne sont pas réalistes et alourdissent le travail des entreprises

Toutes ces nouvelles contraintes vont obliger à revoir l’ensemble des contrats santé collectifs et individuels à très court terme (1er janvier 2015).

Les entreprises qui doivent avoir mis en conformité leurs couvertures santé d’ici le 1er juillet 2014 (du fait de l’expiration de la période transitoire prévue par le décret du 9 janvier 2012) vont à nouveau être mises à contribution. Elles devront remettre à nouveau sur la table le sujet d’ici la fin de l’année pour passer au crible les niveaux de garanties au regard du nouveau texte sur les contrats responsables. Dans certains cas, cela se traduira par la baisse des garanties.

Ces obligations s’ajoutent pour les entreprises à l’impact de l’évolution de la portabilité des frais de santé.

Elle va s’imposer à toutes les entreprises du secteur privé, être allongée de 9 à 12 mois, financée par la mutualisation. Le certificat de travail devra être aménagé pour informer les salaries sur l’existence de ce maintien des garanties.  Il devient indispensable de mettre à jours les notices d’information. Or les opérateurs attendant à juste titre les prochaines évolutions réglementaires, cela signifie qu’à compter du 1er juin 2014, plus aucune notice ne sera à jour.

Cette instabilité de la réglementation alourdit sérieusement le travail des entreprises et nuit au bon développement de la protection sociale complémentaire.

4 – Les incertitudes pesant sur le texte instaurant « un haut degré de solidarité »

S’agissant du projet de décret définissant le haut degré de solidarité, il est surprenant de voir prévu qu’au moins 2% de la cotisation doit être affectée aux prestations de solidarité :

  • Sur quelle base a été déterminé ce taux ?
  • Quel sera le régime social de cette part de cotisation qui financera des prestations pas nécessairement complémentaires aux prestations de la sécurité sociale ?

Des précisions techniques et une étude d’impact doivent être apportées avant la publication du texte.

Au final, les assurés en sortiront ils mieux couverts et les dépenses mieux maîtrisées ?

La réponse est sans doute négative et le risque existe de voir apparaître une fracture entre ceux qui pourront souscrire une sur-complémentaire et ceux qui n’en auront pas les moyens.

Est-ce vraiment le projet des Pouvoirs Publics ?

CONCLUSION :

A la lumière de ces indications, l’Institut de la Protection Sociale souhaite attirer l’attention du Gouvernement  et demande que les projets de décrets soient plus opérationnels pour les assurés, les entreprises et les opérateurs.

De plus, la date d’entrée en vigueur pour les contrats en portefeuille doit être reportée, sauf  à prendre un risque de graves difficultés de gestion préjudiciables aux assurés et aux entreprises.

 

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