Dividendes des dirigeants de société : il est urgent de reprendre le dossier à zéro

Dans le cadre du PLFSS pour 2015, les députés ont adopté un amendement qui étend aux dirigeants majoritaires de SA et SAS affiliés au régime général le dispositif d’assujettissement social des dividendes existant dans les régimes des travailleurs indépendants. Cette mesure est présentée comme assurant une meilleure équité entre les dirigeants. En fait il n’en n’est rien.

En adoptant cette disposition sans la moindre étude d’impact, l’Assemblée Nationale complexifie encore plus ce dossier complexe.

Les réactions embarrassées du Gouvernement montrent que ce dossier doit être repris à zéro.

C’est maintenant le moment de mettre enfin en œuvre la seule solution réaliste préconisée depuis l’origine par l’IPS : celle d’une clause « anti abus » visant tous les dirigeants de société.

1 – Qu’est-ce que change la mesure adoptée ?

A l’occasion de l’adoption de la Loi de Financement de Sécurité Sociale pour 2015, l’Assemblée Nationale a adopté un amendement parlementaire modifiant l’article L. 131‑6 du Code de Sécurité Sociale.

L’amendement est présenté comme une mesure d’harmonisation des règles d’assujettissement social des dirigeants de sociétés initiées en 2009 pour les société libérales et en 2013 pour les gérants majoritaires de SARL. En ce sens, le nouveau texte est supposé renforcer l’équité entre cotisants relevant de régimes distincts et mettre fin à certaines voies d’optimisation empruntées au détriment des finances sociales.

Pour l’auteur de l’amendement, il est nécessaire que les dispositions adoptées dans les précédentes LFSS s’appliquent à l’ensemble des situations, et ce pour ne pas encourager des phénomènes d’optimisation.

2 – La mesure est injuste, inefficace et coûteuse

Au niveau des principes, les choses semblent simples.

Dans les faits il n’en n’est rien :

La mesure est injuste  pour deux raisons :

  • N’oublions jamais que l’assujettissement des dividendes à cotisations sociales vise à ce jour la plupart des dirigeants. Une taxation supplémentaire leur fut imposée alors qu’à l’origine, le dispositif initial de 2009 visait à sanctionner quelques milliers de libéraux tentant d’échapper à leurs obligations sociales.
  • Contrairement à la volonté affichée de généraliser le dispositif à tous les dirigeants, certaines catégories en restent exonérées : les dirigeants égalitaires ou minoritaires de SARL, de SA et de SAS. L’idée de généralisation n’est donc pas conduite à son terme.

La mesure est inefficace car les sommes collectées s’élèveront au mieux à quelques dizaine de millions d’euros. L’expérience de la réforme de 2013 devrait servir de leçon : les sommes encaissées par cette mesure fut de moins d’un tiers à celles prévues.

La mesure est coûteuse pour deux motifs :

  • Les professionnels du conseil (expert-comptables, avocats, conseils en gestion de patrimoine,….) vont devoir consacrer un temps précieux à conseiller les dirigeants de SA et de SAS sur un sujet qui n’apporte aucune valeur ajoutée. En ces temps de crise économique majeure, n’y a-t-il rien de mieux à faire ?
  • Cette mesure met à mal les efforts engagés par les Pouvoirs Publics pour simplifier la vie concrète des entreprises. Alors que le dossier du Compte Pénibilité et de la Loi Hamon sur les cessions d’entreprises entretiennent un climat de défiance, est-il besoin d’ajouter une cause supplémentaire de friction ?

3 – Comment régler réellement cette question ?

Depuis l’origine, en 2009, la gestion de ce dossier est mal engagée.

Il faut maintenant le reprendre du départ dans un esprit pragmatique.

La solution actuelle pose trop de difficultés techniques et de principe pour être maintenue. Elle induit une discrimination et une rupture d’égalité entre formes de sociétés puisqu’elle ne s’applique qu’aux Sociétés d’exercice libéral, aux SARL à gérance majoritaire et bientôt peut-être aux SA et SAS dont les dirigeants sont majoritaires dans la détention du capital social.

Le souci de combattre certains abus (dividendes utilisés comme forme de rémunération permettant d’éviter le paiement de cotisations sociales) ne doit pas aboutir à ce que les dividendes perçus par des chefs d’entreprise qui acquittent normalement leurs cotisations sociales soient lourdement taxés.

Cela introduirait une autre forme de rupture d’égalité : si les dividendes perçus par les chefs de petites et moyennes entreprises, contrepartie des risques qu’ils courent au quotidien et de l’argent qu’ils ont investi à titre personnel pour créer leur entreprise devaient être soumis à cotisations sociales, cela aboutirait à un taux de prélèvement supérieur à celui appliqué aux épargnants ayant acquis des actions cotées de « pères de famille » (ou en ayant hérité).

Ainsi, ne devrait être considéré comme un abus que la distribution des dividendes au bénéfice d’un dirigeant, qu’il soit assimilé salarié ou indépendant, n’ayant pas déclaré (et donc cotisé) un revenu professionnel au moins égal au montant du plafond annuel de Sécurité sociale (37.548 € en 2014). Seuls relèveraient ainsi du régime fiscal de droit commun les dividendes perçus par un dirigeant non salarié qui a déclaré (et donc cotisé) sur un revenu professionnel au moins égal au montant du plafond annuel de Sécurité sociale.

Il sera intéressant de voir si le Gouvernement accepte de retenir cette option, la seule qui soit efficace au regard de l’objectif poursuivi et simple à mettre en œuvre.

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