Les rapports de la Cour des comptes sont de haute facture.
Celui sur l’intérêt et la faisabilité d’une disparition du régime de retraite des fonctionnaires avec un alignement des règles sur celles du privé était fort attendu.
La déception n’en n’est que plus grande.
Dans le rapport publié sur « les pensions de retraite des fonctionnaires », la Cour des comptes s’est penché de façon très détaillée sur l’intérêt et la faisabilité d’une disparition du régime des agents de l’Etat avec un alignement des règles sur celles du privé.
Les magistrats de la rue Cambon se sont penchés sur deux scénarios. Celui de la table rase, où tous les fonctionnaires en activité basculeraient tout de suite dans le régime général, et celui, d’une réforme ne s’appliquant qu’aux nouveaux embauchés dans la fonction publique.
Premier scenario : celui d’une affiliation des fonctionnaires en activité aux régimes de retraite du secteur privé (base plus complémentaires). Pour la Cour, cette solution « entraînerait une baisse immédiate des taux de contributions à la charge de l’Etat et des employeurs territoriaux et hospitaliers ». Les économies que les trois employeurs publics pourraient réaliser sont évaluées à 28 milliards d’euros. Dans cette solution toutefois, l’Etat, comme les collectivités locales et les hôpitaux devront continuer à payer les pensions des fonctionnaires déjà retraités, soit 58 milliards d’euros.
La Cour des comptes a calculé qu’il faudrait « attendre 17 ans pour que la charge globale des pensions des fonctionnaires retraités sous le régime actuel (environ 24 milliards d’euros) et des cotisations versées aux régimes du secteur privé pour les fonctionnaires en activité (environ 34 milliards) soit inférieure à celle supportée aujourd’hui par les employeurs de fonctionnaires (58 milliards) ».
Par ailleurs, « les régimes de base et complémentaires des salariés du secteur privé pourraient s’avérer perdants, en raison de la démographie du secteur public [moins de cotisants par retraité dans le public que dans le privé], après avoir été gagnants au cours d’une première phase ».
Résultat : il faudrait envisager le versement par les employeurs publics d’une soulte. A cela s’ajoute des problèmes pratiques, comme le fait que le calcul de la pension sur les 25 meilleures années et celui des points de retraite complémentaire imposerait de connaître l’intégralité des salaires perçus au cours de la carrière, primes comprises, information dont ni l’Etat, ni la Caisse de retraite des hôpitaux et collectivités locales ne disposent.
Remarquons simplement que cette situation est invraisemblable et que l’Etat ne peut prétendre invoquer ses propres turpitudes…. Pour reprendre un principe juridique bien connu.
Le second scénario d’une intégration des seuls nouveaux entrants dans la fonction publique comporte lui aussi plus d’inconvénients que d’avantages pour la Cour des comptes qui estime qu’« il serait coûteux pour les employeurs publics car la période de transition serait très longue ». Ces derniers devraient en effet accroître progressivement leur contribution au régime spécifique qui subirait un effet de ciseau redoutable avec baisse des cotisations et hausse des prestations au fur et à mesure des départs en retraite des fonctionnaires restés dans le régime public. « Or, dans le même temps, les employeurs publics devraient cotiser aux régimes de droit commun au titre des nouveaux recrutés, certes à un niveau moins élevé que pour les régimes de la fonction publique ».
Les magistrats de la rue Cambon ont calculé qu’il « y aurait donc un surcoût croissant pendant 40 ans, jusqu’à 34 milliards d’euros (valeur 2015), puis décroissant dès lors qu’il n’y aurait plus de nouveaux retraités » dans le régime des fonctionnaires et que donc les pensions à servir baisseraient. Une soulte pourrait être envisagée de la part des régimes du privé encaissant pendant 40 ans des cotisations sans verser de prestations, mais elle n’intègrerait pas « le coût des avantages spécifiques de retraite dont bénéficient les fonctionnaires » et serait difficilement calculable pour les régimes de retraite complémentaire.
Si elle rejette les solutions radicales, la Cour des comptes plaide pour la création dans les 3 ans d’une caisse de retraite pour l’Etat comme il en existe déjà une pour les agents des collectivités locales et les hôpitaux, dont ils souhaitent améliorer l’efficience.
Par ailleurs, elle a identifié 7 leviers d’évolution progressive des règles dans le public :
- Harmonisation progressive des droits familiaux et conjugaux qui avantagerait les fonctionnaires moins bien traités que les salariés du privé
- Intégration totale des de primes dans les bases de calcul des cotisations et des prestations
- Allongement de 5 à 10 ans de la période de référence pour le calcul de la retraite
- Suppression de certaines bonifications et des catégories actives qui concernent 700.000 agents, en restreignant le champ et les avantages de ces dernières.
Ce rapport laisse sur leur faim ceux qui estiment que rien ne justifie les écarts entre les retraites du secteur public et celles du secteur privé.