Les clauses de désignation font encore l’actualité

C’est peu dire que le sujet a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années.

Une décision récente de la Cour de Cassation conforte les positions instaurées par le Conseil Constitutionnel.

La chambre sociale de la Cour de Cassation a récemment rendu deux arrêts relatifs à la clause de désignation en santé au bénéfice d’AG2R La Mondiale au sein de la convention collective de la boulangerie-pâtisserie, mise en place par l’avenant du 24 avril 2006 (étendu le 16 octobre 2006).

Cette désignation fut prolongée par l’avenant du 27 mai 2011 (étendu le 23 décembre 2011), antérieurement à la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013 mettant un terme à ces clauses et même prolongée en 2016.

L’arrêt 335 est relatif à une demande d’AG2R Réunica Prévoyance contre la boulangerie Jacquier. Ce dernier refusait de rejoindre l’organisme complémentaire désigné (Jacquier n’était pas adhérente d’une organisation d’employeurs signataire de l’avenant).

Dans cette affaire, l’argumentation pour défendre les clauses de désignation reposait sur 3 points :

  • La décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013 n’aurait prononcé l’abrogation des clauses de désignation «que pour l’avenir» et ne serait donc «pas applicable aux contrats pris sur ce fondement» – maintenant par la même l’ensemble des désignations préexistantes.
  • Second point : la non-obligation de transparence quant à la désignation par les partenaires sociaux d’un organisme de gestionnaire d’une complémentaire santé.
  • Dernier point : que cette même obligation, au mieux, «n’implique pas qu’intervienne une mise en concurrence ou un appel d’offres».

Se basant notamment sur l’arrêt du 17 décembre 2015 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la Cour de Cassation n’a pas eu la même interprétation. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat, saisi sur le dossier Beaudout, avait décidé de ne pas statuer et de poser à la Cour de Luxembourg, qui avait jugé comme contraire au droit européen l’extension du 23 décembre 2011, «sans que la réglementation nationale prévoie une publicité adéquate permettant à l’autorité publique compétente de tenir pleinement compte des informations soumises, relatives à l’existence d’une offre plus avantageuse».

Le Conseil d’Etat avait ainsi considéré que cette publicité adéquate n’avait pas eu lieu et annulé l’extension.

Sur la base de ces deux décisions, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi d’AG2R La Mondiale en estimant que l’arrêté d’extension du 16 octobre 2006, simplement précédé de la publicité prévue à l’article L. 133-14 du code du travail, est «incompatible avec les règles issues du droit de l’Union tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne» et doit voir par conséquent son application «écartée en l’espèce»

L’arrêt 349, toujours à propos des clauses de désignation dans la boulangerie, voit de son côté AG2R La Mondiale dans la position du défendeur, vis-à-vis d’un arrêt de la cour d’appel de Besançon du 18 juin 2014.

Cet arrêt considérait que la désignation visée devait être analysée «à la lumière des contraintes particulières imposées aux entreprises susceptibles d’être mises en concurrence et de la situation du secteur d’activité concerné» et qu’à cet égard, «l’appartenance de AG2R Prévoyance, institution de prévoyance faisant partie du groupe qui gérait le régime de retraite complémentaire obligatoire des boulangers (ISICA) et le régime de prévoyance des risques décès-incapacité-invalidité dans la même branche (ISICA Prévoyance) constitue un critère objectif de choix pour la gestion du régime complémentaire du risque santé» – sans oublier, également, que l’Etat avait effectivement procédé à l’extension de l’avenant du 24 avril 2006.

Là encore, la Cour de Cassation a estimé que cette argumentation est remise en question par l’arrêt du 17 décembre 2015 de la CJUE.

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