Mise en place de la généralisation de la complémentaire santé : Focus sur les nouveaux cas de dispense et le système de « versement santé »

 

Interview de Pierre-Alain Boscher, Directeur Métier Protection Sociale chez Optimind Winter, partenaire de l’IPS.

Fin novembre, l’Assemblée Nationale adoptait le projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2016. Ce projet était définitivement transposé en Loi le 21 décembre dernier.

En matière de mise en place de la généralisation de la complémentaire santé, il faudra désormais compter avec l’article 34 qui prévoit l’instauration d’une aide financière individuelle de l’employeur, « versement santé », pour certains salariés dispensés d’adhésion au contrat collectif obligatoire de l’entreprise et bénéficiant par ailleurs d’une couverture santé. A noter que le décret 2015-1883 du 30 décembre 2015 clarifie les modalités d’octroi d’une telle aide financière. Ce décret précise également les cas de dispense d’adhésion de droit.

Pierre-Alain Boscher, vous êtes Directeur Métier Protection Sociale chez Optimind Winter et membre du Conseil d’Orientation Scientifique de l’IPS, pouvez-vous nous présenter les 4 cas de dispense d’adhésion de droit au régime Frais de santé introduits par l’article 34 de la LFSS 2016 ?

Les articles L911-7 et D 911-2 du code de la sécurité sociale prévoient désormais plusieurs cas dans lesquels le salarié peut être dispensé d’adhésion au régime :

  • Les bénéficiaires de la CMU-C ou de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé. La dispense ne peut jouer que jusqu’à la date à laquelle les salariés cessent de bénéficier de cette couverture ou de cette aide.
  • Les salariés bénéficiaires d’une assurance individuelle frais de santé au moment de la mise en place des garanties ou à l’embauche. La dispense ne joue dans ce cas que jusqu’à échéance du contrat individuel.
  • Les salariés qui bénéficient, pour les mêmes risques, y compris en tant qu’ayants droit, de prestations servies au titre d’un autre emploi en tant que bénéficiaire de l’un ou l’autre des dispositifs suivants :
    1. Régime complémentaire santé obligatoire offert par une autre entreprise
    2. Régime complémentaire des fonctionnaires
    3. Contrats d’assurance de groupe, dits Madelin
    4. Régime d’Alsace-Moselle
    5. Régime complémentaire CAMIEG
  • Les salariés en CDD ou en contrat de mission dont la durée d’adhésion au régime collectif obligatoire est inférieure à 3 mois et qui justifient d’une couverture santé responsable par ailleurs.

La nouvelle rédaction de l’article D911-2 supprime la notion d’inscription de ces cas de dispense dans le texte fondateur du régime. Que cela induit-il ?

Dans le précédent contexte réglementaire, le texte fondateur devait prévoir explicitement les cas de dispense pour que ceux-ci puissent être utilisés par les salariés. Désormais, les 4 cas de dispense évoqués précédemment sont applicables de plein droit par les salariés quelles que soient les dispositions prévues par le régime dont il dépend.

Quelles sont les limites d’utilisation de ces cas de dispense de plein droit prévues à l’article D911-5 ?

L’article D911-5 limite l’utilisation de ces cas de dispense de plein droit, au moment de l’embauche ou de la mise en place des garanties ou à la date à laquelle le salarié remplit les conditions de dispense 1 ou 3 (CMU-C, couverture obligatoire par conjoint…).

Qu’en est-il du cas de dispense d’adhésion prévu par l’article 11 de la Loi Evin (loi du 31 décembre 1989) ?

Le cas dispense d’adhésion, prévu par l’article 11 de la Loi Evin, permettant aux salariés présents dans l’entreprise à la date de mise en place d’un régime par Décision Unilatérale de l’Employeur (DUE) de refuser d’adhérer au régime reste également applicable de plein droit.

Contrairement aux précédents cas de dispense cités, certains sont à inscrire dans l’acte fondateur instituant le régime complémentaire. Pouvez-vous nous éclairer sur ces cas ?

Les cas de dispense d’adhésion prévus aux a) b) et c) de l’article R242-1-6 2°, doivent être expressément prévus par l’acte fondateur instituant le régime complémentaire :

  1. a) Les salariés et apprentis bénéficiaires d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat de mission d’une durée au moins égale à douze mois à condition de justifier par écrit en produisant tous documents d’une couverture individuelle souscrite par ailleurs pour le même type de garanties
  1. b) Les salariés et apprentis bénéficiaires d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat de mission d’une durée inférieure à douze mois, même s’ils ne bénéficient pas d’une couverture individuelle souscrite par ailleurs
  1. c) Les salariés à temps partiel et apprentis dont l’adhésion au système de garanties les conduirait à s’acquitter d’une cotisation au moins égale à 10 % de leur rémunération brute.

En matière de dispense, pouvez-vous nous indiquer quelles sont les démarches à suivre et obligations tant du côté du salarié que de l’employeur ?

Dans tous les cas, les dispenses d’adhésion sont à l’initiative du salarié. En revanche, l’employeur doit informer préalablement le salarié des conséquences de son choix.

Dans sa demande de dispense, le salarié doit mentionner le motif de sa demande (couverture CMUC par exemple), indiquer l’organisme assureur couvrant le contrat de l’objet de la dispense ainsi que l’échéance de ce contrat. Selon le QR du 29/12/2015, la déclaration du salarié pourrait prendre la forme d’une déclaration sur l’honneur, l’employeur doit être en mesure de produire la demande de dispense des salariés concernés en cas de contrôle.

La Direction de la Sécurité Sociale prévoit de mettre à disposition un formulaire type début 2016.

L’article 34 de la LFSS 2016 prévoit un dispositif alternatif au régime obligatoire collectif pour certains salariés. Pouvez-vous faire la lumière sur ce dispositif ?

Il s’agit du « versement Santé ». Le décret 2015-1583 du 30/12/2015 définit les conditions d’accès à cette aide financière individuelle de l’employeur.

Ce dispositif du « versement santé » est accessible à deux catégories de bénéficiaire :

  • Les « dispensés » : les salariés ayant fait le choix d’être dispensés d’adhésion par le cas 4) cité précédemment ; soit les salariés en CDD ou en contrat de mission dont la durée d’adhésion au régime collectif et obligatoire est inférieure à 3 mois et qui justifient d’une couverture santé responsable par ailleurs ;
  • Les « exclus » : les salariés pour lesquels un accord de branche les exclut de la couverture collective complémentaire de frais de santé et qui impose en remplacement le versement santé.. Les conditions d’exclusions sont limitées aux salariés en CDD ou en contrat de mission d’une durée inférieure à 3 mois et aux salariés à temps partiels dont la durée de travail hebdomadaire est inférieure à 15h. L’accord de branche peut fixer des seuils inférieurs. En l’absence d’accord de branche, un accord d’entreprise peut mettre en place le versement santé pour ces salariés.

Pouvez-vous nous préciser qu’elles en sont les conditions d’accès au « versement santé » et quelle sera la base de calcul du montant ?

Le versement est conditionné à la couverture de l’intéressé par un contrat d’assurance maladie par ailleurs (hors ACS, CMU-C, contrat collectif obligatoire y compris en tant qu’ayants droit et contrat de la fonction publique).

Le montant de l’indemnité est calculé en appliquant un coefficient à un montant de référence.

Le montant de référence est la contribution mensuelle de l’employeur pour la catégorie de personnel et la période de travail concernant le salarié, proratisé selon le temps de travail de ce dernier. Ce montant de référence ne peut être inférieur à 15€ (et 5€ pour le régime d’Alsace Moselle).

Le coefficient de majoration appliqué ensuite est de :

–              105% pour les CDI

–              125% pour les CDD

Le versement santé bénéficie des mêmes exonérations sociales que celles accordées aux contributions patronales des régimes de frais de santé collectifs obligatoires et est assujetti au forfait social de 8% (pour les entreprises de plus de 10 salariés).

En tant que professionnel de l’expertise sociale et de par votre expérience, quels sont, à votre avis, les points de vigilance à maintenir dans la mise en place de la complémentaire «  frais de santé » ?

Les récentes réformes législatives et réglementaires ont clairement rendu plus complexe l’environnement des régimes frais de santé.

Pour simplifier, lors de la mise en place d’un régime, je retiendrai 3 points majeurs qu’il convient de traiter avec attention :

  • Le choix des garanties : adapter les garanties en fonction du besoin de couvertures des salariés, en respectant les obligations issues de la généralisation des couvertures de santé et des contrats responsables
  • Le niveau des cotisations : veiller à respecter l’obligation de participation à 50% de l’employeur au titre des garanties obligatoires et gérer la répartition de l’effort entre contrats obligatoires et surcomplémentaires,
  • La sélection de l’organisme assureur : choisir son partenaire en fonction du niveau de services attendus et de sa capacité à tenir durablement ses engagements à des tarifs stables.
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