PLFSS 2016 : L’ambition d’alléger les redressements URSSAF en matière de protection sociale supplémentaire est trop risquée en l’état pour la santé des TPE

Interview d’Antoine Montant, Directeur du Département conseil en droit social chez FIDUCIAL, Membre du Conseil d’Orientation Scientifique de l’Institut de la Protection Sociale. FIDUCIAL est partenaire de l’IPS.

En juin dernier et afin d’apporter son expertise au Conseil de Simplification, l’IPS proposait la création d’un rescrit de projet et une réelle réduction du formalisme, seules solutions pour alléger sérieusement des contrôles URSSAF la vie des entreprises en matière sociale.
Dans la continuité de ses travaux, le comité technique de réflexion dédié à la simplification de la réglementation à appliquer par les entreprises (notamment en matière de contrôles URSSAF) et piloté par Antoine Montant remontait au créneau mi-octobre suite à la publication du PLFSS 2016. L’IPS alertait alors les pouvoirs publics sur les risques de l’article 12, en particulier pour les TPE.
Mi-novembre le Sénat procédait effectivement à la modification de ce fameux article 12 qui appelle à la « proportionnalité du redressement en matière de protection sociale supplémentaire ». Pour autant, cet article rédigé dans l’idée d’alléger les sanctions imposées aux entreprises, aboutit toujours à l’inverse pour les TPE.

Antoine MONTANT, vous êtes Avocat et Directeur du département conseil en droit social chez Fiducial. Au sein de l’IPS, vous pilotez depuis près d’un an le Comité Technique dédié à la simplification de la réglementation à appliquer par les entreprises.
Selon vos travaux et notamment l’étude chiffrée d’impact du projet de loi, quels risques pèsent aujourd’hui sur les entreprises françaises ?

Le risque que nous identifions est principalement lié à la lourdeur du formalisme imposé aux employeurs. Il n’est pas lié au fond et à une quelconque volonté de se soustraire à leurs obligations. Bien au contraire, il est fréquent de rencontrer des chefs d’entreprise qui souhaitent améliorer la protection sociale de leurs salariés, aller au-delà de leurs obligations légales ou conventionnelles.
Les premières alertes que nous recensons viennent de redressements Urssaf qui pointent un défaut de conformité, mais jamais de défaut de couverture. Le prix à payer est lourd, puisque la totalité des sommes destinées au financement patronal de la protection sociale est réintégrée dans l’assiette des cotisations. Dans une TPE un redressement varie en fonction de la part patronale, cela va de 1 000 € à 1 500 € par salarié.
Si l’on s’en tient à la lettre du Projet de loi, il est vrai que l’impact financier sera amoindri. Mais là n’est pas la question. La vraie question que soulève cette nouvelle disposition teint dans le fait que sous couvert de reconnaître une certaine bonne foi (terme qui n’est jamais repris d’ailleurs), on crée une sanction à l’encontre du chef d’entreprise alors qu’il conviendrait simplement de recouvrer les cotisations non versées. De plus, la base de la sanction est un calcul incompréhensible à partir de la part patronale servant au financement de la protection sociale. De fait, cela crée de vraies distorsions selon la taille de l’entreprise et selon le prix que l’employeur a bien voulu mettre. Plus il a été vertueux, plus il est sanctionné. C’est un comble ! Enfin, ce n’est pas à l’Urssaf de démontrer l’erreur, c’est à l’employeur de démontrer sa bonne foi. Là aussi on marche sur la tête.

Les résultats de votre étude d’impact tendent même à remettre en cause la constitutionnalité de cette mesure. Quels sont les critères d’analyse qui appuient une telle affirmation ?

Nous pensons que le texte en l’état est incompréhensible. Nous défions quiconque de l’expliquer en 5 minutes… De plus il est inintelligible et pas suffisamment précis. On ne sait pas ce qui peut permettre à l’employeur de prouver sa bonne foi. On ne sait pas non plus quels sont les défauts de formalisme qui feront l’objet de sanction, sauf un, l’absence de dispense. On ne sait pas non plus comment va se dérouler le contrôle et la production de la preuve. Le texte dit que c’est à l’employeur de prouver sa bonne foi. Mais à quel moment ? Au cours du contrôle ? En réponse à la lettre d’observations ?

Outre le constat évident que cet article 12 doit impérativement être modifié, quelles sont les préconisations de l’IPS ?

Nous aurions souhaité que l’Etat reconnaisse enfin par principe la bonne foi de l’employeur et laisse à la charge de l’Urssaf le soin de démontrer sa mauvaise foi. Egalement nous aurions souhaité que l’on abandonne définitivement cette suspicion de fraude en refusant catégoriquement toute notion de sanction. Malheureusement c’est peine perdue, à moins que le Conseil constitutionnel dans sa grande mansuétude ait une lecture différente du texte soumis à son contrôle.

 

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